2.11.07

Collision avec l'islam

Première expérience dans un pays musulman. En Tunisie. En 2007.

Caractéristiques des Tunisiens: un teint basané, un langage indécryptable - le dialecte tunisien -, et un regard perçant. Les hommes et les garçons, ils sont regroupés sur les terrasses des cafés. Ils ont le style en général machiste et bien arrangé.

Que ce soit le chauffeur de taxi, le vendeur du souk, le serveur au restaurant, tous aiment la négociation. Ils proposent des prix exorbitants que je coupe du sabre en deux. Mais parce que je suis la Canadienne et c'est dimanche, ils ont toujours le superbe prix soudainement à m'offrir. « C’est gratuit jusqu’à la caisse! », « Regardez, c’est gratuit! ».

Ils me harcèlent dans la rue : je suis une étrangère, mais pourtant pas anonyme. On m’interroge sur ma vie privée, mon travail, le lieu de ma demeure, mon origine. Je respire. On me surnomme gazelle. Je roule des yeux... Ça suffit, me suis-je dit. Et puis, on s’y fait de se faire siffler la gazelle. La gazelle des neiges. De se faire tutoyer. D’être invitée à une visite guidée pour nous soutirer quelques dinars. De se faire rappeller que la foire d’artisanat berbère termine aujourd’hui. Après tout, pour certains, c’est la pauvreté. Coin St-Laurent, Ste-Cat., on tend la main et c’est tout.

La Tunisie, loin de pratiquer la charia et l’intégrisme, me heurte dans mes manières et mes valeurs. Et puis, je me détends. Ils ont l’air de ces terroristes du Hamas, du Djihad ou de Talibans, mais ils n’ont rien à voir avec ces mouvements. Je le sais, mais je constate que les infos occidentales m’ont imprégnée. Ça y est, je suis l’occidentale, nord-américaine de surcroît, qui a la frousse. En fait, je suis déroutée par nos préjugés construits à travers les médias et les politiciens américains. La méconnaissance peut être source de jugements préconçus. Ici, tout est différent. Leur histoire n’a rien à voir avec le Vatican, elle prend sa source au Proche et au Moyen-Orient.

Ils ont des portes comme des serrures antiques énormes. Le blanc domine la majorité des maisonnettes et commerces. Ils ont des théâtres centenaires restaurés en cinéma, mais les gens les fréquentent sans plus remarquer leurs majesté. Les chats se faufillent sur les estrades et les adolescents mal éduqués rient des seins de Monica Bellucci dans « Combien tu m'aimes? ». Ils fument et ne devraient pas assister à ce film réservé aux majeurs. Les seins de Monica et les courbes de ses hanches, c’est du solide, ici, en Tunisie.

Répondent-ils tous à l’appel de la prière qui s'entend comme une complainte cinq fois par jour? Cet enregistrement qui gémit au travers la ville. La ville dense. Des jeunes gens partout – 60 % de la population est âgée de moins de 20 ans. Des traffics piétonniers. Des autos qui conduisent pour écraser les gens. Pourtant, de nombreux policiers les guettent. Leurs sifflets transcendent les rues. De ma chambre au 11e étage de l’hôtel de verre sur Habib Bourguiba, le son des sifflets est incessant. Les policiers, ils soudoient bien sûr. Selon un chauffeur de taxi, de brûler le feu jaune lui aurait coûté son permis, ainsi que 120 dinars alors qu’il pouvait glisser 5 dinars à l’agent pour continuer sa route. Semble-t-il, les délateurs sont nombreux. La moyenne serait d’un chauffeur de taxi sur deux, et trois clients sur quatre au café du coin. Lorsqu’on me questionne, je ne suis pas dupe. Que veut-on de moi? Quelles informations souhaite-on soutirer?

Ils boivent leur thé à la menthe très sucré. Parfois, ils y ajoutent des pignons de pin ou des amandes. Ils mangent leur couscous le vendredi. Ils ne boivent pas d’alcool, qu’ils insinuent. Qu’ils insinuent, oui : quand j’ai acheté deux bouteilles de vin tunisien, un commis s’est offert pour m’aider à les commander. Le brouhaha de la cohue - d’hommes - se bousculant devant le comptoir des vins insinue qu’ils aiment et consomment le vin. Ce commis m’a suggéré un vin que j’ai commandé. J’étais fière de réaliser ça. À la sortie du magasin général, on a crié « mademoiselle! ». Par réflexe, je me suis retournée, le commis s’est arrêté devant moi. Sa voix tremblait. J’ai pensé que c’était la nervosité, mais c’était peut-être aussi la course.
« Je pourrais avoir votre numéro de téléphone? ». J’ai refusé. Ici, on dit qu’ils veulent les occidentales pour un soir, mais qu’ils se réservent les musulmanes pour le mariage. J’ai un amoureux, je suis en poste et il n’y a surtout pas d’intérêt. « Ciao! »

La Tunisie est assez libérale. L’arabisation est en effet une réalité nouvelle. Bourguiba, le libérateur de la Tunisie en 56, a lutté pour l’émancipation de la femme et son égalité, mais elles ont décidé de commencer à se voiler. C’est la mode que le voile s’agence avec la tunique. « Si je ne porte pas le voile, c’est parce que je n’ai pas les sous pour m’offrir l’ensemble de la même couleur. », confient quelques-unes d’entre elles. Et pourquoi ce retour au voile? C’est un mouvement généralisé qui se propage dans tous les pays musulmans. L’oppression des pays occidentaux auront eu raison de leur fierté. Maintenant, comment la retrouver sinon que par le retour aux pratiques des grands beys? Le rappel d’une époque où l’arabité était grande et avait le respect des empereurs et consuls européens.

Les paysages de Tunis et ses environs semblent s’être cristallisés depuis des siècles et même des millénaires. Sur la côte qui donne sur l’Italie, rien de plus facile que s’imaginer la grande Carthage. La terre est ocre et les arbres ont fanés. Le sol est déséché. L’eau est donc leur pétrole. Sans pluie, les récoltes seront maigres. Mais les touristes seront heureux et le tourisme est l’industrie la plus lucrative de la Tunisie.

La Presse de Tunis publie des articles au style de communiqués officiels : Ben Ali, le président "réélu et réélu" depuis 1987, fût nommé personnalité de l’année, ouverture d’un second aéroport international à Sfax, aux portes du désert… Et quoi encore. De nombreux sites politiques – et porno – sont bloqués sur internet. Curieusement, à l’écriture de Ben Ali et de sexe à l’intérieur d’un courriel, la page se ferme et internet est hors d’usage. Lors d’une converse au téléphone, voici que la ligne se brouille au ton secret d’un « tu sais, la liberté de parole, ici… » Essayons pour voir... Ce sont des potins des Canadiens de la place.

- Photo : Julie Thériault, Sidi Bou Said (Tunisie), 2007 -

9 commentaires:

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  2. Bonjour Ali,

    Merci à toi pour le commentaire. Si tu as des suggestions ou des critiques, je suis ouverte à les entendre. Je suis de retour en Tunisie et je souhaite seulement vous comprendre davantage.

    Tu m'as dit être Tuniso-égyptien. Je suis restée une semaine en Égypte en 2007 et j'aurais aimé écrire sur les pièces archéologiques que le gouvernement égyptien tente de rapatrier au pays... N'avez-vous pas été pillés par les étrangers et perdu ainsi de vos trésors historiques et nationaux?

    Bonne journée Ali - oncle, neveu ou cousin du prophète?

    Ciao ciao

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  4. Bel article mais Tunis est tres differente de la tunisie ; la capitale n'est pas a l'image du pays , Tunis n'est pas tres represntative ... Tunis est pour la tunise comme est mars pour la terre .

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  5. Oui Alonso, comme la plupart des capitales dans le monde diffèrent de la vie réelle du pays...

    Par exemple, en ce moment, je suis à Bogota. En vivant dans la partie Nord de Bogota, j'oublies souvent que je suis dans un pays en voie de développement. Cependant, lorsque je voyage à l'extérieur de la capitale et que j'écoute et lis sur l'actualité du pays, je réalise la situation réelle du pays: sa pauvreté et sa violence endémique.

    Je te remercie pour ton commentaire. Portes-toi bien!

    Ju

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  6. Salut ,

    Merci de supprimer mon commentaires sur cet article dans ce Blog

    Merci Infiniment .
    Ali ELARIF

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  7. Et pourquoi donc? Es-tu toujours en Tunisie? Merci Ali!

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  9. Oui , Toujours en Tunisie .
    contact : elarif.ali@gmail.com

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