6.9.07

À la découverte du citron

Le 28 août 1998, je suis assise dans la navette qui joint le Québec à l’inconnu, qui me conduit à mon avion. Je suis seule. En effet, la présence de la dizaine de personnes qui m’entoure ne diminue pas l’effet de solitude qui s’est emparée de moi depuis la traverse de la douane. Mes amies, Aurélie, Andréanne, Lili et les autres, ainsi que Jean-Noël sont derrière moi et aucun retour n’est possible. Un non-retour définitif. Je réalise enfin, mais trop tard, que je suis faillible, que ceux que j’aime et qui me sont familiers me manqueront, parfois désespérément. J’ai dix-sept ans, mais je pleure des larmes de crocodile.

J’attéris à Toulouse. Une ville étudiante à forte immigration musulmane en France. Ma voisine de siège dans l’avion est une Ontarienne d’une cinquantaine d’années. Sa sœur habite Toulouse et elle passera des vacances auprès d’elle. Cette dame m’offre son numéro de téléphone : « Si tu as des problèmes… Ou quoi que ce soit, tu peux appeler. Ça va? » J’acquiesce et souris. J’ai 17 ans et ne suis pas tout à fait responsable, il est vrai. L’agence de placement non plus, n’est pas très responsable. On avait une entente : appeller une fois à Toulouse pour connaître les coordonnées de la famille Carrazzoni et prendre le train. L’agence ne répond pas. Au Québec, c’est ma cousine Joëlle qui fait le lien finalement entre l’agence et moi. Elle parle Espagnol. La pression a monté, mais c’est réglé : je pars demain prendre le train pour Alicante. J’appele la femme d’Ontario pour accepter son invite. Elle viendra me chercher. En attendant, je clique sur l’appareil. Durant la journée, je suis émerveillée comme une enfant qui découvre un grand papillon bigarré. Tout m’impressionne: les voitures compressées, les rues étroites, le canal, les passages, les toilettes payantes, les panneaux de signalisation. Je suis en pleine découverte, tel un enfant estomaqué que la terre soit ronde. Je soupe ensuite auprès des deux sœurs, en banlieue de Toulouse. Plus tard, elles m’inviteront à me plonger dans un bain et je pleurerais doucement au creux du lit d’invité. Leur discussion en sourdine se déroulera en anglais. Moi, la Québécoise, je ne pigerais rien, ce qui accentura mon dépaysement.

Alicante. Un port magnifique s’offrant à la Méditerrannée. Lorgnés de touristes, des bars sont présentés par d’immanquables lettres de néon. Le château de Santa Barbara surplombe la plage spacieuse et la Esplanada. Des palmiers. L’arrivée à la gare est angoissante. Je rencontre la famille. Il est tard. La ville est magnifique de nuit. Je ne parle pas Espagnol. Ils ne parlent pas Français ni Anglais. La converse est ardue pendant les vingt minutes de la course jusqu’à Novelda. Nous arrivons enfin. Je traverse la porte principale et pénètre dans un hall pavé de marbre du sol au plafond. Je crois que c’est le luxe. C’est le marbre de Novelda. Je m’imagine la famille aisée. Je décourvrirai qu’elle est modeste : ils se plaisent à regarder la télé pendant des heures le soir et pendant les repas, travaillent dans des manufactures, boivent du pepsi et ne font pas de sport. Nous aurons rien en commun. Elle, son humeur est agréable, infeste, infeste, agréable…

Novelda. Au 43 de la avenida de la Constitution. Sur le balcon étroit, le vent est chaud et léger. De l’autre côté de la rue, les maisons sont en rang serré. De mon côté, mon buste appuyé sur la rampe du balcon, je me penche et, à gauche, à droite, des maisons défilent. Le soleil règne, rayonnant en l’absence des nuages. Soudain, en face, la persienne de la porte est hissée. Une femme mûre se pointe sur son balcon et secoue un tapis. Elle s’engouffre aussitôt dans la fraîcheur de son appartement exigu. Au contraire des Espagnols, j’aime la chaleur des après-midis déserts. Mon horloge biologique n’accepte pas la siesta. Je quitte la balcon. Traverse la cuisine. Pénètre dans ma chambre et attrape mon sac à main. Je file vers la sortie. Me laisse conduire par l’ascenseur. Je vais déambuler dans la ville déserte.

2 commentaires:

  1. Bonjour, J'ai lu votre blog avec attention.
    Je dois aller à Novelda en Espagne, pouvez-vous me dire où vous étiez logée, je cherche une chambre d'hôtes, me recommanderiez-vous celle où vous êtes allée ?
    D'avance, merci !!
    Eliane
    thuillier.eliane@neuf.fr

    RépondreSupprimer
  2. Bonjour Eliane,

    Malheureusement, je logeais chez une famille espagnole et non dans un hotel. De plus, il y a de cela deja 10 ans... Vous trouverez surement sur internet, sinon Alicante est une ville de palmiers, de rumba, avec un vieux chateau qui la surplombe et elle se trouve a 30 minutes de Novelda. A vous de voir... Desole pour la ponctuation: j ecris avec un clavier etranger.

    J ai delaisse l ecriture du blogue au cours du dernier mois car je suis en vacances, mais ne cessez pas de passer par mon blogue... Je reviens de vacances bientot et me remets a l ecriture!

    ciao ciao et bonne chance!

    Ju

    RépondreSupprimer