11.9.07

Les élections au Maroc :: des causes de l'abstention

Comme en 2002, les autorités marocaines ont pris plus de 48 heures pour annoncer les résultats de l’élection des membres de la première chambre du Parlement. Le résultat définitif des élections du vendredi 7 septembre au Maroc est inattendu, car tous prédisaient une victoire du parti islamiste modéré, le Parti de la Justice et du Développement (PJD). Le Parti de l’Indépendance d’Abbas El Fassi, l’Istaqlal, arrive donc premier - avec 52 sièges - et le PJD de Lahcen Daoudi est second - avec 47 sièges remportés - sur un total de 33 partis. Les observateurs étrangers conclus à des élections transparentes. Mais le taux de participation officiel est de 37%.

J’ai rencontré Amine, Mohammed et Yassine – noms modifiés - sur la terrasse d’un café à Fès. Ils sont trois universitaires. Aucun n’a voté le 7 septembre. Amine est en dernière année de génie en informatique; il dit ne pas s’intéresser à la politique. Mohammed, inscrit à la licence en sciences économiques, avance que les candidats lui sont inconnus, qu’il ne les voit que lors des élections et qu’ils ont peu d’éducation, « un niveau baccalauréat » – en référence au niveau secondaire au Québec. Yassine, étudiant en droit et futur officier de police, a du caractère; il s’impose rapidement dans la conversation. Il exprime sa pensée avec énergie et parfois sa connaissance du français et la complexité de la conversation l’oblige à demander l’aide d’Amine ou de Mohammed qui lui glisse les traductions de quelques mots en français. Il n’a pas voté car c’est un « théâtre ». Il semble chercher toujours un mot plus juste, alors j’ajoute « une mascarade » et il acquiesce avec énergie. Il explique que le Parlement n’a aucun pouvoir : le Roi nomme le Premier ministre et les ministres peu importe les résultats. Selon Le journal hebdomadaire, un magazine indépendant marocain, dans le numéro du 31 mars au 6 avril 2007, la monarchie n’accepte pas un changement constitutionnel qui offrirait plus de pouvoir aux élus. Yassine croit que le Parlement est bidon. Il ajoute que s’y présentent seuls des hommes d’affaires en recherche de … il prononce le mot en arabe, mais je devine – « notoriété », dis-je. « C’est ça! ». Selon les trois étudiants, ces gens ont les ressources financières pour acheter des votes, indispensables pour attirer les voteurs désintéressés. Ces voteurs obtiennent 100 -150 dirhams, soit 15 – 20 dollars canadiens pour compléter leur bulletin de vote. Ces voteurs sont de plus mal informés, par manque d’éducation – l’analphabétisme touche 40% de la population – et par la censure de la presse indépendante et non partisane à la royauté.

Bien sûr, il y a ceux qui votent pour les vraies raisons, tel Ahmed et Khadija – noms modifiés. Ahmed, 55 ans et pharmacien, et Khadija, 40 ans et ingénieure au ministère de l’Eau, ont voté pour le changement et la progression de la démocratie au Maroc. Ils sont éduqués et ont beaucoup voyagé, Ahmed ayant notamment fait ses études de pharmacie en France. Difficile de chiffrer quel pourcentage de la participation de vendredi représente Ahmed et Khadija. Ce qui est certain c’est que, selon Le journal hebdomadaire qui cite un sondage mené en 2001 sur le mode gouvernemental préféré des Marocains dans le numéro du 31 mars au 6 avril 2007: « à 82,7% les Marocains pensent qu’avoir un leader fort qui n’a pas à se soucier du Parlement et des élections est un mauvais système de gouvernement. (De plus, ils) étaient 96% à penser qu’un système démocratique était une bonne façon de gouverner leur pays ». Enfin, selon le démographe Youssef Courbage cité dans ce même numéro, la société marocaine est « mûre » pour la démocratie : « le Maroc possède l’un des taux de fécondité les plus bas du monde arabe et les disparités régionales sont très faibles. » Sans oublier les plus de trois millions d’expatriés – 1 Marocain sur 11 - qui contribuent à la transformation des comportements et des mentalités et l’ouverture des Marocains sur les nouvelles du monde, car « 6 ménages ruraux sur 10 ont la télévision et 1 sur 7 la parabole ». Une évidence dès que l’on observe d’un toit une ville marocaine, comme sur cette photo prise à Tanger.


Le taux de participation de 37 % affiche un désintérêt de la population marocaine face à cette élection de la chambre. Un message à la monarchie pour un changement constitutionnel et l’octroie de plus de pouvoir aux élus?

http://www.lejournal-hebdo.com

- Photo : Julie Thériault, Tanger (Maroc), 2007 -

2 commentaires:

  1. salut votre avis sur le maroc bien que je la respecte reste tres tres tres tres insuffisante.vous avez beaucoup encore a apprendre sur nous pour mieux cerner nos problematiques ; amicalement le votre

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  2. Bonjour,

    J'ai aucun doute que j'ai beaucoup à apprendre sur vos problématiques... J'ai passé six semaines au Maroc en 2007, pas mal tout de même!? J'ai lu avec avidité vos excellentes revues sur la société marocaine comme Tel Quel et Le Journal Hebdomadaire. J'ai tenté de vous connaître et vous comprendre le plus possible.

    En quoi mon texte vous permet de conclure que ma compréhension de vos problématiques est extrêmement insuffisante?

    Merci pour vos commentaires.

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