1.11.07

Hommage à mon grand-père

Texte rédigé par ma mère, Maryse Thériault, lors des funérailles de mon grand-père. Un souvenir publié pour la famille.

Samedi, le 19 août 2006
Saint-Michel-de-Bellechasse

Bonjour, je me nomme Maryse. Je suis la cinquième d’une belle grande famille de huit enfants et je suis la fille de Jeanne Gagnon et de Laurent Thériault.

« Nous sommes tous nés, frères et sœurs, dans une longue maison de bois à trois étages, une maison bossue et cuite comme un pain de ménage, chaude en dedans et propre comme de la mie.

Rouille sur le flanc, noir sur le toit, blanc autour des fenêtres, notre lourd berceau se tenait écrasé sur un gros solage de ciment, rentré dans la terre comme une ancre de bateau pour bien nous tenir; car nous étions huit enfants à bord, turbulents et criards, peureux comme des poussins. » Extrait de Pieds nus dans l’aube de Félix Leclerc.

Lui-même issu d’une grande famille de dix-huit enfants, il était inévitable qu’eux-mêmes, devenant parents, auraient l’ambition d’élever à leur tour une grande famille dans l’amour, la dignité et le partage.

C’est ainsi que nos parents unirent leur destinée un 2 janvier 1943, comme bien d’autres couples de l’époque, tiraillés entre le désir de s’aimer pleinement et l’écho de cette guerre en Europe.

Car, bien sûr, on les comprend, ils n’allaient pas risquer de perdre l’amour qu’ils avaient l’un pour l’autre et décidèrent, pour commencer l’année en beauté, de se marier en ce début d’année de turbulence mondiale. Tous deux se retirèrent sur leur ferme de St-Épiphane de Rivière-du-Loup et bâtirent leur foyer.

Pacifistes dans l’âme, ils ont donc préféré faire l’amour à la guerre et c’est ainsi que, sans leur implication pour la paix, il n’y aurait eu ni Germain, ni Daniel, ni René, ni Laval, ni Guy, ni Andrée, ni François, ni moi-même, Maryse, et nous leur en sommes unanimement reconnaissants.

En plus de nous transmettre des valeurs fondamentales telles que de vivre en paix et en harmonie avec notre environnement, ils nous ont transmis l’art d’apprécier chaque jour la beauté de la vie et renforcèrent ainsi notre attachement à cette terre nourricière sur laquelle nous habitions.

Non, mon père n’était pas le plus fort (dans le sens de mettre K.O. un Louis Cyr de l’époque, quoiqu’il aurait pu l’étourdir…) ni le plus habile (les travaux de finition ou de broderie n’étaient pas son lot mais bien ceux de notre mère), mais le plus bon. Ce qui signifie, d’après le dictionnaire, qui a de la bonté et qui aime à faire le bien. Et on ajoute : qui s’acquitte convenablement de ses devoirs. On aurait pu trouver cette même définition dans la section « Laurent ».

Comme le travail de cultivateur était, à l’époque, difficile à rentabiliser, notre père, parallèlement à cela, exerça un autre métier dans le domaine de la construction, et ce, dans le but d’offrir une meilleure éducation à ses enfants.

Et comme si cela n’était pas encore suffisant, il se sacrifia pendant plusieurs hivers dans les chantiers de bois à atteler les chevaux, les conduire et transporter le bois de la Côte-Nord. De plus, il passa plusieurs automnes à cueillir le tabac dans les champs du Sud de l’Ontario. Ce qui contribua encore plus à parfaire notre instruction et à valoriser l’entreprise familiale. Pendant ce temps, notre mère veillait à nous assurer douceur, nourriture, vêtements et éducation et à nous élever dans une ambiance d’amour et de partage, valeurs qui nous ont suivis toute notre vie.

Papa avait une façon presque noble, à la fois humble aussi, de porter le chapeau, si modeste soit-il. Et l’image qui nous vient ainsi à l’esprit, c’est lors de cérémonies religieuses à l’église, bien campé dans son costume, droit comme un cierge, et priant avec une dévotion toute sincère pour la santé du monde et le bien de sa famille.

Fidèle aux traditions, il continua, malgré la résolution du Concile, à réciter son chapelet bien installé « plié » sur une chaise, parce que fourbu de sa journée et, alors que nous avions les genoux bien plantés sur le plancher, à terminer les prières par un « ainsi soit-il » alors que nous répétions depuis belle lurette un « Amen » bien senti.

Quel bonheur aussi de vivre ces Noël d’antan si magiques, si lumineux, pause ultime et unique dans cette année de labeur où nous éprouvions un plaisir fou à essayer tous ces nouveaux jouets, à jouer au hockey en famille et à glisser des heures durant dans la neige. Et le dimanche, après le repas du midi, Dieu sait comment notre père devenait un redoutable joueur de cartes à sa façon de lancer sur la table une seule petite carte, avec fracas, afin de tenter de nous intimider ou de nous surprendre. Évidemment, cela nous amusait plus qu’autrement.

Dans notre mémoire, il y a aussi de ces tiroirs qui rappellent que nous n’avions pas besoin de tous ces gadgets d’aujourd’hui qui en mettent plein la vue mais qui demeurent futiles comme de glisser avec nos bas de laine dans les pieds sur le plancher de la grande salle familiale frais ciré pour mieux le lustrer; ou sortir, après un long hiver à passer dans la grange, toutes ces vaches qui se dégourdissaient hardiment et qui couraient partout, libres comme l’air, dans les champs en même temps que nous.

Au bout du chemin, on ramasse des cailloux comme des bouts de vie sillonnant un sentier déjà parcouru et qu’on refait à rebours dans l’espoir que jamais notre mémoire ne perde le souvenir d’une vie aussi bien remplie.

Quand on a accompli chaque tâche à laquelle on a consacré toutes les heures de sa vie de façon sincère et honnête, il est normal d’être envahi, lors du grand départ, par la tranquillité d’esprit. Comme il me sembla entendre, en regardant mon père s’éteindre ce jour-là, que ça lui semblait être le bon jour pour être le dernier jour…

Ainsi fût-il!
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2 commentaires:

  1. Je suis extrêmement fière de ma mère. Même après plus de quatre, oui, ce texte m'émeut encore. Je m'ennuie des grandes familles de l'époque et de leur simple style de vie. J'aimerais bien aussi que l'élevage soit plus bio, comme il est raconté, alors que les vaches sont à l'extérieur.

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  2. Anonyme12.2.13

    Très émouvant et vrai votre hommage à votre grand-père:))

    Dans le cadre de mon vagabondage poétique,

    blogues-musée pertinents mais aléatoires

    pour mon oeuvre littéraire pertinente mais aléatoire,



    permettez-moi de vous offrir une de mes chansons

    GRAND-PÈRE LEFEBVRE

    COUPLET 1

    quand mon grand-père Lefebvre
    descendait la côte St-Louis

    c’était pour voir ma mère en plein hiver
    pis surtout moé son premier tout petit

    y sortait les poubelles
    y pelletait la neige de son entrée
    pour elle

    REFRAIN

    C’était un silencieux
    mon beau
    mon mystérieux pépère
    du genre toujours heureux

    COUPLET 2

    on aurait dit qu’pour lui
    juste de s’asseoir s’une chaise berçante
    pis d’écouter ma mère

    parler d’son quotidien
    de tout de rien
    de ses espoirs, de son mari d’amour en bien
    de ses chagrins du jours, bénins

    ça donnait à sa pipe
    de la bonté pour prendre soin d’ma grippe

    COUPLET 3

    asteure que j’ai son âge
    pis que les enfants de Toronto m’appellent
    the real Santa Clauss

    que je descend les rues
    comme si son âme remplaçait
    mes forces disparues

    la fumée en auréole au dessus d’ses ailes
    la chaise berçante ouateux nuage
    dans l’bleu du ciel

    Pierrot
    vagabond céleste

    www.enracontantpierrot.blogspot.com
    www.reveursequitables.com

    www.demers.qc.ca
    chansons de pierrot
    paroles et musique

    sur google,
    Simon Gauthier, conteur, video vagabond celeste

    merci:)))

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