12.9.07

Tanger, les artistes

En août 2007 à Tanger, au musée de la Kasbah, j'ai visité l'exposition du photographe Daniel Aron. Ce photographe qui travaille à Paris et à Tanger a collaboré à plus d'une dizaine de magazines internationaux: Vogue France, Elle (France), Harper'Bazaar (É-U), etc. Il a obtenu de nombreux prix pour ses images publicitaires. Dans cet ancien palais du 18e siècle, l'exposition regroupe des photographies de Tanger réalisées entre 1995 et 2007.

Tanger, avant l'indépendance du Maroc en 1956, était visitée et habitée par plusieurs Américains et Britanniques: notamment Jack Kerouac - dont les 50 ans du roman clé de la Beat generation "On the road" sont fêtés cette année. Plusieurs autres écrivains et artistes notoires, tels que Allen Ginsberg, Paul Dowles, Cecil Beaton, William Burroughs, Joe Orton, Truman Capote, etc. ont flirté dans cette ville longtemps sans appartenance politique. Maintenant, le français et l'espagnol s'imposent. Et les investisseurs ont remplacé les artistes.


L'Hôtel Continental - hcontinental@iam.net.ma - qui a accueillit Winston Churchill et le tournage d'un Thé au Sahara de Bernardo Bertolucci du livre de Paul Dowles, conserve son charme. Cependant, la vue sur la terrasse offre maintenant une vue du stationnement des véhicules lourds et du port.

La ville demeure marginale: présence d'une communauté homosexuelle, prostitution apparente, immigration clandestine et trafic de drogue font les manchettes à Tanger. La ville s'industrialise. Elle vit un boom économique: multiplication des stations balnéaires et inauguration de Tanger-Med le 27 juillet 2007, un port économique qui se veut le rival de celui d'Algésiras en Espagne et de Gibraltar.

Daniel Aron explique son désir de capter les images de la ville en proie à des changements draconiens:

L’EMPREINTE DE TANGER

La première fois que j’ai rencontré Paul Bowles, il m’a tout de suite apostrophé : « qu’est ce que vous foutez à Tanger ? »

Je lui ai répondu que ce qui m’avait attiré, c’était la présence très discrète de cette ville dans les guides touristiques en comparaison du bruit autour de Tanger dans le Monde. Il a rigolé et m’a dit : « peut-être ! mais vous venez trop tard ! »
Il avait raison je n’avais pas vingt cinq ans dans les années 50 et je ne suis ni anglais ni américain.

J’ai fait son portrait et j’ai photographié sa table de nuit, ses chaussures et ses valises.

J’ai rencontré Mohammed Choukri que j’ai photographié dans un bar de Tanger, tenu par l’un de ses copains, ancien catcheur ou boxeur.
Dans un autre bar, j’ai connu au cours d’une virée de tapas , un ancien boxeur espagnol, le bar était à lui.

J’ai compris en passant devant le Dean’s bar ou les copains de la beat-generation avaient pas mal éclusé, que, non, ce n’était pas trop tard, mais qu’il n’y avait pas de temps à perdre !

Découvrir une ville « vide » et surpeuplée, le tout au milieu d’une urbanisation empruntée à l’Europe, était une expérience très nouvelle.
Rapidement Tanger m’a plu pour ses vides, ses volets fermés, ses ruines et ses cours remplies d’herbes folles.

Derrière ces portes cadenassées, il y a encore la vie, celle des gardiens qui attendent sans y croire, le retour des propriétaires partis un jour vers l’Europe et les Amériques, et la vie de ceux qui sont restés et qui vivent derrière leurs volets à peine entre ouverts.

À la fin de la semaine, on les voit se rassembler dans quelques lieux de Tanger, ils sont âgés, élégants, ils rencontrent leurs amis âgés et élégants, selon des critères oubliés. D’autres, encore, gardent leurs fenêtres ouvertes : ils luttent pour que demain ne fasse pas oublier hier.

Je ne connais pas Alexandrie, mais j’imagine un peu la même atmosphère.
Voilà deux villes où l’imaginaire est puissant : attention de ne pas se laisser aller à trop valoriser une mémoire faite de la récupération d’un passé vrai ou faux.
Mais tout de même, ces lieux sont en péril, perfusés depuis des lustres, ils sont maintenant menacés de destruction.

Tanger veut redécouvrir sa vocation de lien entre l’Afrique et l’Europe, Tanger veut construire. Alors pourquoi garder une villa des années 30/40 au milieu d’un parc de deux hectares en pleine ville ? La logique financière s’imposera très vite.
Alors encore plus vite, j’ai voulu photographier ces lieux avant inventaire.

Daniel Aron





Le catalogue de photos de l'exposition, jointes au textes de Tahar Ben Jelloun - l'écrivain de Partir - et des entretiens avec Pierre Assouline et Vincent Baby, est disponible à 25 euros, excluant les frais d'expédition. La commande se fait directement auprès du photographe Daniel Aron au courriel suivant:

www.daniel-aron@wanadoo.fr

- Photo 1 : Julie Thériault, Tanger (Maroc), 2007 -
- Photos 2, 3 et 4 : Daniel Aron, Maroc -

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