23.11.11

Récit de la Havane


Je suis arrivée le 4 novembre vers 9 heures du soir à Cuba. Sur la route vers l'hôtel, l'obscurité de la ville m'a surprise. Le conducteur devait utiliser les « hautes » pour éclairer les piétons et il me semblait qu'il passait souvent trop près d'eux. Le lendemain, le chauffeur de la navette qui me conduisait avec d'autres touristes à la vieille Havane a rigolé en disant qu'une visite officielle devait certainement se pointer en ville puisque des ouvriers étaient affairés sur des échelles à installer les ampoules aux lampadaires; donc, si la Havane nageait dans l'obscurité la veille, c'était une particularité de la ville remarquée également par les Cubains. Un autre exemple de cette particularité est que quand je sors manger aux restaurants près de l'hôtel, je dois marcher à pas prudents puisque je n'y vois rien. Bien que je sache qu'il n'y ait pas de trous, dans le noir, la moindre déviation ou inclinaison pourrait être dangereuse. Je croise parfois quelqu'un, souvent des gens qui attendent un taxi collectif, ces taxis qui sont privés et partagés par plusieurs; on les paie en peso cubain plutôt qu'en peso convertible.

J'ai remarqué aussi que les Cubains fument beaucoup, mais surtout qu'ils approchent toujours d'autres Cubains pour leur demander du feu. J'ai fini par conclure que, comme tout dans ce pays, les allumettes et les briquets sont des denrées rares. L'autre jour, je mangeais seule lorsque deux étrangers m'ont offert de les accompagner pour le souper. J'ai apporté mon assiette à leur table et nous avons parlé un peu de tout, surtout de notre impression de Cuba. Cela faisait déjà quelques mois qu'ils étaient ici, ils travaillaient pour une compagnie brésilienne à la construction d'un port. Ils étaient brésilien et péruvien. Nous avons parlé de l'embargo: apparemment, les bateaux qui se risquent à poser l'ancre en port cubain ont l'interdiction d'aller aux États-Unis pendant six mois. Conséquence: peu s'y risque ce qui explique la rareté des denrées. Je ne sais pas si une étude a été menée sur la cause principale de la pauvreté à Cuba, le communisme ou l'embargo, mais je gagerais sur ce second.



L'étranger peut penser qu'ils sont heureux; bien sûr, ils ont le sens de l'humour, sont créatifs, dansent et chantent. C'est ce que m'a dit un Mexicain que j'ai rencontré à la Bodeguita del Medio, le bar où aurait été inventé le mojito et qui accueillait Hemingway. Je n'ai pas voulu le contrarier; j'ai donc acquiescé, mais à mon sens, des gens qui sont prêts à prendre le risque de mourir en s'embarquant dans une chaloupe sont désespérés. Encore une fois, je ne crois pas que ce soit le communisme qui ait créé leur désespoir, c'est la situation économique, le chômage, les piètres salaires, de vivre sur une île où ils y sont confinés, obligés, le désarroi de ne pas pouvoir choisir et des rêves qui y sont si restreints. 

L'autre jour, je suis allée au Cimetière Christophe Colomb. Une des particularités du cimetière est que sa cinquantaine d'hectares est traversée par deux longs chemins qui forment une croix; au centre de la « croix » se trouve l'église qui reçoit encore des fidèles. Pendant mon tour guidé, j'ai assisté à une scène unique et drôle malgré la situation: une voiture funéraire est passée, elle était pas très récente, elle devait dater des années soixante-dix ou quatre-vingt, mais elle était suivie d'une voiture américaine des années cinquante débordante de monde. J'ai eu le temps de remarquer qu'une dame sur la banquette arrière pleurait avec grande expression. Suivait cette voiture, un taxi Lada aussi vieux que son égale américaine, encore une fois bourré de monde. Finalement, le taxi était suivi de deux autres vieilles voitures américaines. J'ai pensé que cela avait dû impliquer beaucoup de logistique pour regrouper toute la famille dans les quelques voitures disponibles. De fait, il semble qu'elles n'aient pas été suffisantes et l’aide d'un taxi exhalant le gaz a été requise.

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