12.8.08

Le rôle clé de la reconnaissance au travail

Un article intéressant difficile à dénicher sur les mérites de la reconnaissance sur nos vies professionnelles.

Par Annie Richer de Radio-Canada.


"Soyons reconnaissants aux personnes qui nous donnent du bonheur, elles sont les charmants jardiniers par qui nos âmes sont fleuries". - Marcel Proust.
On aspire tous à se voir témoigner de la reconnaissance des personnes qui nous sont importantes. Caprice? Que nenni! "La reconnaissance joue un rôle clé dans nos vies. À preuve: elle figure au nombre des six éléments qui jouent un rôle pour mener quelqu'un à l'épuisement professionnel", de dire François Leduc, psychologue du travail et des organisations.

Les chercheures Jane Dutton et Emily Heaphy ont observé que l'expérience de la reconnaissance mutuelle donne du pouvoir sur soi, de l'entrain, augmente l'efficacité de l'autre personne à son endroit, engendre une connaissance accrue, un sens de valeur et un désir d'autres rapports.

La valeur de l'émetteur...

Toutes les marques de reconnaissance n'ont pas la même valeur. "Un compliment émis par un inconnu ne vous touchera pas de la même façon qu'un autre distribué par quelqu'un à qui vous vouez beaucoup d'admiration", poursuit François Leduc.

De la même façon, les bravos et mercis reçus de la part de collègues avec lesquels on a développé des relations harmonieuses qui vont au-delà de la stricte procédure nous toucheront sûrement davantage qu'un hommage prononcé dans un cadre de travail régi par les tensions et l'indifférence. "La notion d'équipe donne une base intéressante à la reconnaissance car il y a quelque chose là-dedans qui tient de la réciprocité, ajoute le spécialiste. On est sur un terrain humain. On ne parle plus tant ici d'évaluation de performance que de recevoir l'appréciation d'autrui."

...et celle du récepteur!

La réciproque est aussi vraie! Savoir reconnaître la part des autres dans nos réussites, petites ou grandes, souligner le travail de nos collègues et remercier nos amis de leur amitié précieuse engendre tout autant de retombées positives. Pour les autres, bien sûr, mais également pour soi!

Dans le cadre d'un projet de recherche sur la gratitude et la reconnaissance. Robert A. Emmons et Michael E. McCullough ont découvert que les gens qui tenaient un journal de gratitude sur une base régulière tendaient à mieux dormir, à faire plus d'exercice et à être moins malades que les individus du groupe témoin. Ils se montraient également plus satisfaient de leur vie, restaient optimistes quant à l'avenir, se faisaient plus proactifs afin d'atteindre leurs buts, manifestaient plus d'empathie et étaient davantage portés à aider leurs pairs.


Gènes et milieu familial

Universel, le besoin de reconnaissance existe toutefois à des degrés divers selon les individus, des différences qui trouvent leur source dans leur contexte familial vécu durant l'enfance et peut-être aussi dans nos gènes, révèle Michel Grisé, psychologue et conférencier.

"Lors d'une activité que je menais dans une garderie, je faisais prendre conscience aux parents des différences individuelles de leurs enfants sur cette question. Par exemple, il y a un enfant qui peut faire 4 ou 5 dessins avant de se retourner vers ses parents pour dire : "Regarde maman, c'est beau, hen?". alors que son petit frère ou sa petite soeur, après seulement 3 ou 4 traits du premier dessin, insistera auprès de ses parents pour recueillir leurs commentaires admiratifs", se souvient M. Grisé.

Selon lui, le milieu familial contribue éaglement à renforcer cette soif de reconnaissance par une manière... et son contraire. "Un enfant peut devenir avide de compliments en raison soit d'un manque de valorisation de la part de ses parents, soit d'un excès; le petit qui a été couvert d'éloges au moindre geste n'aura pas appris à tolérer les moments sans compliments".

Changement de paradigmes

C'est bien connu, les critères de valoraisation culturels et sociaux ont bien changé. Aujourd'hui, on a plus de chance d'être félicité pour notre maison ou notre voiture de l'année - symboles de réussites! - que pour avoir élevé de beaux enfants intelligents et en santé...

"Il y a encore quelques décennies, la culture religieuse incitait à la reconnaissance. Il fallait faire action de grâce, rendre grâce Dieu, etc. Au boulot, le concept de loyauté et de fidélité entre un employeur et son employé assurait presque à ce dernier un poste jusqu'à sa retraite et on retrouvait une ambiance presque familiale sur les lieux de travail", nous rappelle Michel Grisé.

Plus grand'chose de tout ça ne subsiste aujourd'hui. Avec notre vie urbaine, peu de nous peuvent se targuer d'entretenir une relation de proximité amicale avec leur boucher du coin! Au niveau organisationnel, la fidélité est aussi moins présente. Conséquence: "On note une perte de reconnaissance et du sentiment d'appartenance. Beaucoup d'employés se plaignent de ne pas voir leurs efforts reconnus par leur patron", constate le conférencier.

Accepter d'être reconnu

"On a beau rechercher cette reconnaissance, mais lorsqu'elle se présente, l'accepte-t-on?", questionne M. Leduc. Pensons à certains collègues qui présentent une fin de non-recevoir à nos éloges sur leur travail: "Bah, il n'y a rien là"; "Ce n'est pas difficile"; "Ça va de soi"; Etc.

Pour certaines personnes, dotées de talents particliers, la tâche accomplie peut effectivement sembler banale. D'autres, par contre, vont discréditer l'effort fourni, que ce soit en raison d'un manque de confiance en soi ou d'un manque d'humilité, et donc, par le fait même, disqualifier la reconnaissance qu'ils reçoivent. "Il faut être capable de célébrer ses réussites!", insiste le psychologue.

Ou peut-être est-ce parce que nous exerçons un mandat ou des responsabilités dans lesquels nous ne sommes pas confortables. Il y a de fortes chances pour qu'on n'accueille pas de la même façon des compliments pour de la vaisselle bien lavée et des éloges pour avoir conclu une fructueuse entente. On appréciera probablement davantage les bons mots à notre endroit si nos talents et nos habiletées ont été interpelés.


Savoir sa valoriser...

Selon Michel Grisé, si le gestionnaire doit fournir des efforts pour manifester régulièrement des marques d'appréciation à des subalternes ("Il ne faut pas capitaliser seulement sur le gros souper offert par l'entreprise à la fin de l'année: ça ne donne rien!"), il n'a pas toutefois la responsabilité de répondre à tous les besoisn des employés en cette matière.

"L'individu doit se responsabiliser quant à la valorisation personnelle. L'image que je donne souvent à mes clients est celle d'un bateau à voile. Si l'embarcation est dépourvue de moteur, elle sera dépendante du vent - donc des compliments des autres -pour avancer. Avec un moteur, l'embarcation peut se mouvoir peu importe les conditions. Comme nos milieux de travail ne carburent pas trop à la culture de la reconnaissance, il faut apprendre à travailler son moteur intérieur. Il faut apprendre à s'auto-valoriser" professe Michel Grisé.

Pour ce faire, on cesse d'abord de se comparer au collègue productif, au voisin riche ou à l'ami plus mince. "Ce serait comme comparer des pommes et des oranges. Les vécus et les ressources ne sont pas les mêmes. Ça ne sert à rien. Même les athlètes d'élite ne se comparent pas entre eux", souligne-t-il.

Il faut plutôt se comparer à soi, se regarder aller, découvrir qui on est, voir qui on était hier et qui on devient. On observe nos améliorations, on note nos bons coups aux quotidiens - pas besoin pour cela de réaliser un exploit. Persévérer dans une tâche qui nous rebute est tout à fait digne de mention - et on s'en réjouit! Car, après tout, "ce qui est pour nous fait le bonheur ou le malheur de notre vie, constitue pour tout autre un fait presque imperceptible".


- Photo 1 : Julie Thériault, Cali (Colombie), 2008 -
- Photo 2 : Julie Thériault, Vienne (Autriche), 2008 -

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