29.8.07

Escale états-unienne


9 avril 2006. Jour de départ pour New York. Le voyage débute très tôt. Il est moins de 6h30 et j’ai accumulé moins de 5 heures de sommeil quand le réveil retentit. Malgré l’excitation, je ne me lève pas immédiatement. Ensuite, je mange mon déjeuner tout en lavant la vaiselle pour me reprendre de mes 10 minutes de paresse. Je me rends à la Pyramide. Mon pouce Allo-Stop a 15 minutes de retard. Je redoute qu’il ne se pointe pas car mon bus pour New York quitte Montréal à 11h45. En dernier recours, j’accourai à la gare d’autocars de Ste-Foy. J’arrive donc à Montréal, je prends le métro de la station Rosemont et je rejoins Frédéric à Berry. Dans le bus Greyhound, on se sent déjà dans l’atmosphère américaine.




Certains passagers sont si gros qu’il serait plus aisé de les escalader que de les contourner. Le nombre d’obèses est aussi élevé que tous ces casse-croûtes américains graisseux répartis le long de la route qui mène vers la Grosse Pomme. Étonnamment, aux douanes, les américains repoussent 3 hommes aux traits moyen-orientaux. On ne saura jamais pourquoi. The United States of America ne leur permettent pas de poser les pieds chez l’oncle Sam. Le conducteur a un fort accent américain et nul doute sur ses affiliations politiques : il partage allègrement les valeurs républicaines, par conséquent, restrictives. À la gare d’autocars d’Albany, notamment, capitale de l’État new-yorkais, il interdit Frédéric de me prendre en photo parce que… parce que quoi? Interdit par la loi bien sûr 3490-5/93… Ahurissant. Welcome to the States! God bless America and his President! Toutes ces restrictions, présentées comme nécessaires à une plus grande sécurité du territoire, ne sont que des fabrications politiques. Les citoyens sont inquiets et il est payant pour le gouvernement d’entretenir ces inquiétudes à l’aide d’alertes et d’adopter une panoplie de lois pour tenter d’augmenter le sentiment de sécurité. La culture de la peur, c’est prouvé, c’est payant! Mais en réalité, peut-on réellement suivre chaque citoyen? J’ose espérer que les Américains ne sont pas tous aussi dupes. Les mesures sont inutiles. Qui peut deviner les intentions d’un terroriste?

À Albany, le casse-croûte offre un menu élaboré de plats du terroir… La cuisson cause une fumée qui envahit l’air ambiant et s’incruste dans mes vêtements. Je suis dégoûtée à l’idée de flâner à l’intérieur du casse-croûte qui donne également sur une petite partie partie réservée aux machines à jeux violents. Et dire qu’il est interdit de photographier dans la gare. Le comptoir du resto s’allonge d’une vitrine de souvenirs. Je craque presque pour une horloge affreusement kitsch ornée d’un pygargue, dessiné de rouge et de bleu et marqué du « God Bless America ». Mais 10 dollars US, c’est exagéré pour rire un peu!

Nous attendons que les 30 minutes s’écoulent, assis sur des sièges de plastique noir agrémentés d’une petite télé. À gauche, l’entrée des toilettes annonce un lieu d’une salubrité douteuse. Plus loin, un corridor débouche sur des quais indiquant les départs et les arrivées de plusieurs villes : Philadelphie et autres. Qu’en sais-je? Dans une position de méditation, un homme discute assis avec son portable. La langue qu’il parle m’est inconnue. Par contre, curieusement, ses intonations me rappellent « L’enfant du Tibet ». Je revois le sang qui émerge du pourridge. J’ai un roulement d’épaule. Enfin, avant de pénétrer à nouveau dans l’autobus, le chauffeur s’interroge sur ma nationalité : « Tu es espagnole? », demande-t-il. « Heu…Non! » « Mais tu parles espagnol? », renchérit-il. J’avoue, stupéfaite. J’ai bien eu une courte converse en route avec Jeff au téléphone en espagnol, mais mon banc est bien loin de celui du chauffeur. L’éternel parano-américain aurait-il camouflé des micros dans son bus? Sinon, il a une paire d’oreilles bioniques!

Vers 20h00, du New Jersey, nous entrevoyons enfin une vue de Manhattan. Je fais la moue! « C’est ça, New York? ». Ce n’est que lorsque l’autobus emprunte la courbe de la route pour se rapprocher du Lincoln Tunnel que je constate l’ampleur de la ville. En terme de grandes villes nord-américaines, jusqu’à maintenant je n’avais visité que Montréal, Toronto et Calgary, bientôt une ville d’un million d’habitants. New York se dévoile comme un monstre, croulant sous les grattes-ciels et pétillant de lumières. Nous découvrons notre auberge par hasard sur la 63e rue, tout juste devant Central Park. Nous partageons une chambre avec 2 lits superposés, mais nous ne prenons pas la peine d’exiger une autre chambre à la réception : nous dormirons côte-à-côte dans la partie inférieure.




Malgré notre fatigue, nous quittons l’auberge pour découvrir le Times Square. À population égale, Moscou est beaucoup plus fade que New York un peu comme si on comparait un verre d’eau d’une sangria. Je ne dénigre pas Moscou; c’est New York qui fait dans les extrêmes : colorée, lumineuse, en effervescence, surpeuplée. Le Times Square, quant à lui, symbolise le capitaliste avec ses publicités infinies, omniprésentes, innombrables, gigantesques. Wow!

Nous mangeons une pointe de pizza. Un vieil asiatique, tenant d’un dépanneur, me dit dans un anglais difficilement compréhensible, que je ressemble à une actrice italienne, Gina quelque chose... Lolobrigida, une fameuse actrice de l’époque de Sophie Loraine, âgée maintenant d’environ 75 ans. Nous faisons un saut pour attenidre le Grand Central Terminal dominé derrière par un impressionnant édifice noir juché par l’insigne MetLife. En 1991, le logo de cette compagnie américaine d’assurances a remplacé celui de la défunte Pan Am.

Le lendemain matin, Frédéric propose de se rendre à Brighton Beach, le bastion de la mafia russe en Amérique. Dans le métro, plus nous nous approchons de l’endroit, plus les passagers possèdent les traits et l’allure typiquement russes. À l’extérieur de la station, le cyrillique domine l’anglais. Brighton Beach porte bien son nom; il y a effectivement une plage, plutôt propre pour une île comme Brooklyn. L’interminable trottoir de bois qui longe la plage rappelle, quoique beaucoup plus étendu, la terrasse Dufferin à Québec. Frédéric récolte quelques coquillages, vestiges de mollusques. Les gens parlent russe. Ils sont en effet russes de première ou deuxième génération. Les Russes ont coutume de boire le thé avec des confiseries. Ils en ont des délicieuses : nous achetons des raisins secs et des amandes trempés dans le chocolat. Nous longeons donc l’Atlantique jusqu’à Coney Island pour reprendre le métro.




Nous nous arrêtons à la station la plus près du pont le plus fameux de New York : Brooklyn. Légendaire, charmant et authentique, les voies des automobiles sont séparées par un chemin réservé aux piétons et aux vélos. La traversée du pont fait une trentaine de minutes d’un pas régulier. Ensuite, nous gambadons près du port. Nous y reviendrons pour visiter l’exposition des corps de Gunther Von Hagens, inventeur de la plastination (à suivre…)




Le lendemain matin, mardi, nous devons demeurer près de l’auberge pour changer de chambre à 11h00. Nous déjeunons dans Central Park pour ensuite l’arpenter. Ce vaste espace vert a une valeur inestimable au cœur de cette ville où l’on se demande comment des grattes-ciels peuvent encore prendre racine. Après l’obtention de notre nouvelle chambre au lit unique, nous retournons dans le Central Park et Frédéric prend de nombreuses photos. Nous marchons tranquillement en destination du Musée Guggenheim. Je connais l’architecture originale qui caractérise les trois musées Guggenheim. Je constate, déçue, que toute la façade extérieure du musée est en rénovation et donc cachée par de larges toiles opaques. Nous rebroussons chemin. Nous dînons dans un casse-croûte fameux. Le Lonely Planet n’a pas menti : les murs sont tapissés de photos encadrées exposant plusieurs artistes aux bras du propriétaire. D’ailleurs, celui-ci se trouve justement devant nous armé de gants de plastique, lunettes graisseuses sur le nez, tournant et retournant les « trans » de steak haché sur la plaque, espérons, non contaminée. Je prends un cheeseburger et Frédéric choisi un burger sans relish. Je suis heureuse de m’éclipser de cet endroit qui regorge de gras. Digne de mention, la collection de produits de Coca-Cola dans la vitrine du resto. Impressionnant!



L’autre côté de la rue, un gros camion complètement couvert de feuilles d’aluminium. Le véhicule est inusité, c’est le moins qu’on puisse dire. Mais c’est cela New York, des objets et des événements uniques et inattendus. Nous marchons lentement vers le siège des Nations Unies. Nous y avons rendez-vous qu’à 15h00 avec un producteur web, employé de l’organisation mondiale.

À notre arrivée aux Nations Unies, Frédéric appelle sur un téléphone interne l’autre Frédéric. Il nous rejoint 5 minutes plus tard. Nous nous promenons dans les coulisses de l’établissement légendaire. Les salles, nombreuses fois vues à la télé, sont un charme à regarder en réalité. Ses murs, ses sièges, ses écriteaux identifiant les noms de pays, dégagent une sagesse et une noblesse digne des idéaux qui y sont négociés.




Dans la salle réservée pour les points de presse de l’organisation, rapidement, je m’assoies. Frédéric m’immortalise sur le fauteuil de cuir prestigieux. À l’ONU, la décoration et le mobilier sont tellement vieux que certains meubles ont eu le temps de faire le cycle de la mode et de redevenir attrayants. La salle de repos des diplomates est empreinte d’une forte odeur de fumée de cigarette. Elle était devenue zone non fumeur pour respecter les lois en vigueur de la ville de New York jusqu’à ce qu’un diplomate russe défie Kofi Annan de l’arrêter dans cette enclave internationale… Des cadeaux de tous les pays sont répartis ici et là à l’intérieur de l’établissement. J’apprécie particulièrement le cadeau offert par la République islamique d’Iran : des représentations des derniers secrétaires généraux onusiens sur des tissus. Sans surprise, le Canada a offert une sculpture inuit « sur fond de répressions autochtones et de réclusion en réserves ». Notre guide parie qu’un asiatique succèdera à Kofi Annan en décembre, faute d’absence de candidats intéressants originaires de l’Europe de l’Est, région qui aurait été favorisée par plusieurs membres votants.


Rockefeller Plaza. De nombreux patineurs attendent la fin de la parade de la Zamboni sur la patinoire fameuse et agréablement éclairée. Frédéric prend une dizaine de clichés de moi devant les riches vitrines exposant la garde-robe du chanteur homosexuel et excentrique, Elton John. Il vend ses vêtements aux enchères et les profits récoltés combleront les coffres pour sa Fondation contre le sida. Chaque vitrine illumine d’une couleur distincte jaune, rouge, violet et bleu un thème précis d’une partie de sa garde-robe.

Le lendemain, de retour dans le port pour l’exposition des corps de Von Hagens. Le prix : 24 $ US. Mais cela en vaut le coût d’admirer, souvent la bouche crispée, « les étranges œuvres » de cette sommité mondiale allemande en plastination. Les pièces sont divisées par thème : les muscles, les tendons, l’obésité, le système reproducteur, la grossesse, les artères et les veines, les maladies, etc. Difficile de croire que les squelettes musclés exposés, ce poumon cancéreux ou ce vagin solitaire proviennent d’être humains consentants. Je suis intriguée et pas nécessairement dégoûtée, entre autres, par un fœtus de 12 semaines de gestation. Il est petit comme ma gomme à effacer. En fait, le fœtus atteint un développement harmonieux de ses organes et de ses membres qu’à la 30e semaine de gestation. Il croît donc énormément durant les deux derniers mois de la grossesse. Loin de choquer, comme un avertissement l’indique à l’entrée, l’exposition des fœtus enseigne.


À la sortie de l’exposition, nous mangeons un shish taouk coulant et délicieux pour ensuite tenter une visite à la Statut de la liberté. Une fois à destination, la Statut est bien visible de loin, son bras levé bien haut. Malheureusement, il est trop tard pour effectuer la traversée en bateau. Et puis, à la vue de ce traversier bondé de touristes - à l’image d’animaux en cage à la recherche d’un peu d’air - , toute envie de visiter la fameuse statut s’estompe. J’ai plutôt du plaisir à m’arrêter devant un kiosque de grosses lunettes de marques contrefaites et de casquettes à l’effigie d’un pygargue et du drapeau américain.



Nous sommes ensuite attirés par une massive sculpture d’un autre pygargue, une œuvre dédiée aux victimes lors de la Deuxième Guerre mondiale, évanouies au creux des eaux atlantiques. D’immenses blocs rectangulaires de granit gravés étale religieusement des noms des victimes : plus de 5 000.

Retour précipité à la superficialité, je découvre Bloomingdale et ses parfums. J’hésite longtemps devant un parfum Escada à l’essence de pamplemousse. Frédéric me le promet seulement pour mon anniversaire en juillet. Devant ma déception perceptible, la grande vendeuse aux allures slaves sermonne Frédéric : « Oh! Come on! She wants to have it now! », lance-t-elle indignée, les yeux mi-clos, la bouche en cul de poule. Quand je repense à sa maxillaire inférieure qui pend et ses yeux globuleux, insistant longuement sur le « Now! », je rigole. Le magasin Bloomingdale est extrêmement fancy et renommé. Ici, toutes les grandes marques telles Gucci, Versace, Prada se disputent l’espace. Je rentre dans une boutique et je feins, mais sans y croire, que : « ce sac à main n’est pas tout à fait pas à mon goût! » Pourquoi fantasmer sur cette sacoche que je ne peux m’offrir anyways! L’escapade dans les magasins se poursuit. La boutique de NBC rivalise d’imagination pour créer une incroyable variété de produits dérivés : boîtes à lunch, crayons, calculatrices, chandails, tasses, etc, tous à l’effigie d’émissions connues.



En route tranquillement vers l’auberge, nous croisons la Tour du milliardaire Donald Trump. L’édifice étant ouvert au public, nous y fouinons. Une photo de Donald et de sa charmante et pulpeuse épouse est exposée dans le vestibule. Quel superbe toupet et quel sourire narquois : « regardez comme il est facile d’engranger des milliards! Qu’attendez-vous pour faire de même? Vous, qui arrivez à peine à joindre les deux bouts, vous aussi pouvez réussir bande d’ignares! » Un affreux personnage, mais néanmoins, il étreint une superbe mannequin d’une quarantaine d’années sa cadette.

Enfin, nous déposons nos sacs à l’auberge, accumulés en magasinant. Nous nous éclipsons rapidement à nouveau. À 20h30, Nous rejoignons un new-yorkais, connaissance de Frédéric, rencontré au Costa Rica. Le repas n’est pas génial, un typique repas américain à l’assiette gigantesque. Nous prenons le dessert plusieurs stations de métro plus loin, au Junior’s, dans Brooklyn, quartier d’enfance dudit Américain. La réputation des gâteaux au fromage de ce resto est reconnue autant par les guides de voyage que par les citoyens. Nous quittons le resto et notre hôte vers minuit. Nous rejoignons notre chambre pour une dernière fois.

Le lendemain matin, à la suite des conseils du chauffeur d’autobus excessivement parano, nous quittons tôt : « Il vous faudra arriver 2 heures avant l’heure de départ! », avait-il dit. Nous retournons au Rockefeller Plaza : Alessandra Benedicty, conseillère à l’éducation à la DGQNY, m’attend pour 9h00. Nous obtenons nos laisser-passer à la réception du premier étage et un agent de sécurité « indispensable » glisse les cartes pour nous au tourniquet. « Merci! Merci! » La Délégation est au 26e étage. Alessandra m’accueille plus que chaleureusement. Je visite brièvement la Délégation et l’image que j’en avais se matérialise soudainement. Je croise le délégué général, Michel Robitaille, mais il semble si occupé et/ou préoccupé que je n’ose pas demander à Alessandra si je peux le saluer. Notre visite se termine dans la salle des réunions/conférences qui donne sur une large vitrine. New York est superbe. Alessandra placotte beaucoup, son regard portant de tant à autre sur l’immensité et la hauteur des grattes-ciel. Nous devons couper court à la converse pour s’assurer de ne pas manquer le bus vers Montréal - illusion parano psychotique du chauffeur d’autocar de droite américaine- . Je laisse mon courriel à Alessandra et je suis heureuse de mon passage à cette grande Délégation, une des plus importantes des représentations du Québec à l’étranger.

Nous marchons donc rapidement jusqu’à notre point de départ de dimanche dernier, soit la station Penn. Nous arrivons pratiquement au pas de course dans une file de… deux, trois personnes. Nous avons amplement le temps de faire des courses pour obtenir de quoi se gaver, car, aux États-Unis, on ne mange pas, on se gave. Nous partons à l’heure prévue dans un autobus mi-plein. Il aurait été encore moins rempli n’eut été de ces gros américains et de ces grrosses américaines qui ne prendraient pas deux bancs chacun. La route est longue. Le chauffeur semble à peine atteindre les 80 km/hr. Aux douanes, l’attente est une nouvelle fois interminable. Cette fois-ci, il n’est pas question de peau basanée et de yeux et de cheveux foncés, sinon que d’une grosse américaine avec des valises à son image. Enfin, le retour à Montréal est une bénédiction. À Montréal, la gare craque de voyageurs. Les files d’attente s’entremêlent et les voyageurs se bousculent. La file la plus imposante est celle à destination de New York. L’engouement des Québécois pour cette ville à la dimension surhumaine est palpable. Outre le climat plus clément, ils casseront leurs œufs de Pâques à la parade multiethnique de la mégapole. Ah! Le melting-pot américain!

- Photos : Frédéric Tremblay, New York, 2006 -

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